On décrit souvent le Brésil comme un pays multiculturel, fort de son métissage historique, et à la vitalité fascinante. Ce dynamisme et cette force célébrative sont très bien illustrés par la multitude de jours fériés dans le pays. Noël, le Jour de l’an, Pâques, le 1er mai… toutes ces fêtes célèbres en Occident, qu’elles soient chrétiennes ou républicaines, se retrouvent au Brésil… en plus de leurs propres évènements. Le Brésil a institué au fil des siècles des célébrations nationales et régionales.
On peut aisément dire que ce calendrier a été façonné par les dimensions coloniales et religieuses de l’histoire du pays, et qu’il constitue une des richesses culturelles majeures du territoire. Un petit tour d’horizon de ces “feriados” permettra donc d’appréhender cette multi-ethnicité si particulière.
Le Brésil, un pays majoritairement chrétien
Célébrations, médias, politique, la religion est omniprésente au Brésil. A 88% chrétien et pourtant laïque, le pays en est très imprégné. Elle a toujours exercé une très grande influence dans la société brésilienne, et a donc naturellement inspiré beaucoup de festivités majeures.
Au printemps, 60 jours après Pâques, un des plus importants événements de la vie liturgique du pays est célébré sur tout le territoire. Le Corpus Christi, communément appelé “Fête-Dieu” ou encore “Saint Sacrement” commémore la mémoire du sacrifice de Jésus. D’envergure nationale, cette fête donne lieu à de nombreuses célébrations et occasionne des regroupements conséquents. Fidèles mais aussi touristes sont rassemblés lors de la procession du cortège. Cette célébration est un vrai plaisir des yeux, les fidèles sont vêtus de blanc et défilent sur des parterres de fleurs, un véritable nuancier de couleurs. Une des plus notoires est celle de Florianopolis dans le sud du Brésil qui rassemble chaque année des fidèles venus du monde entier.
Célébrée le vendredi Saint, “Paixao do Cristo” ou “La Passion du Christ”, est une reconstitution grandeur nature des derniers instants du Christ. Véritable fresque vivante, cet événement se veut spectaculaire. L’ art scénique y est très travaillé, et les moyens mis en oeuvre feraient presque pâlir les productions hollywoodiennes. La représentation de Planaltina, petite commune du centre du pays, rassemble pas moins de 1000 comédiens et plus de 200 000 spectateurs, la production porte la ville en ébullition chaque année. La scénographie se veut réaliste, les costumes, accessoires et décors sont des éléments centraux de la représentation. Du repas avec les apôtres à la crucifixion, tous les éléments sont pensés dans une optique immersive. L’entrée de Judas sur scène provoque cris, jets d’eau et indignation de la part du public, c’est une réelle ferveur qui habite le spectacle. L’effet “grandeur nature” aiguise les émotions du public, qui n’hésite donc pas à s’exprimer.
C’est un vrai divertissement populaire à la tonalité toute brésilienne. Les moyens mis en oeuvre pour la représentation varient d’une ville à l’autre mais on retrouve toujours les éléments scéniques. Les représentations se poursuivent le lendemain pour rebondir sur de petits carnavals populaires improvisés appelés “Samedi de l’Alléluia”. La joie de la résurrection se répand dans les rues jusqu’au lendemain, on en oublierait presque le jour le plus sombre de la chrétienté.
Héros et colonisation au coeur des célébrations brésiliennes
Sous l’emprise portugaise entre le XVIe et XVIIIe siècle, le Brésil est marqué par son passé colonial. Plusieurs événements nationaux illustrent l’émancipation tumultueuse du pays.
La fête de “Tiradentes” ou “arracheur de dent” se déroule le 21 avril et ouvre la voie à la semaine de l’“Inconfidencia”. Une multitude de bals populaires est organisée. Chant, danse, gastronomie, les gens se rassemblent dans les rues dans une atmosphère festive. Cette célébration est un hommage à la révolution et relate le combat de Joaquim José da Silva, un dentiste militant politique condamné à mort le 21 avril 1792 à Rio de Janeiro. Impliqué dans les premiers soulèvements indépendantistes du pays, il fût accusé de conspiration dans l’état du Minas Gerais. Il reconnaît les faits sans dénoncer ses compagnons, ce qui lui conféra un rôle de martyr, et l’érigea aux côtés des plus grands héros du pays. Plus largement célébrée dans le Minas Gerais, “Tiradentes” est une révérence à la liberté.
“L’indépendance ou la mort”. Cette phrase est restée l’un des symboles majeurs de l’émancipation brésilienne. Massivement célébrée à travers tout le territoire, “Independência do Brasil”, rassemble toutes les générations qui commémorent ensemble ce tournant historique. Teintée de fête et de danse, une parade officielle est organisée dans chaque ville, l’occasion pour les écoles de samba de défiler aux couleurs du drapeau. En réponse à une pression indépendantiste ainsi qu’à une effervescence libérale venue d’Europe, l’indépendance, déclarée par le fils du roi du Portugal, marque le début d’une nouvelle ère pour le Brésil.
L’hybridité etnique et l’histoire du pays ont également fait éclore des célébrations régionales.
Esclave, fugitif, figure de la résistance, et puis martyr, Zumbi dos Palmares a été érigé en héros national au XXe siècle et on célèbre son symbole à travers la journée du 20 novembre. Instaurée seulement depuis les années 60 le “Jour National de la Conscience Noire” (“Dia Nacional da Consciência Negra”) commémore la mémoire de Zumbi, victime de l’esclavagisme qui a gangrené le pays entre le XVIe et le XIX e siècle. Le jour n’est férié que depuis 2003, célébré dans plus de 850 villes, dont Rio, São Paulo, et donne lieu à des festivités et manifestations culturelles.
Le Brésil c’est aussi des métropoles dantesques qui ont joué un rôle dans le développement économique et culturel du pays. Rio et de São Paulo possèdent donc naturellement leurs propres feriados.
La ville de Rio de Janeiro était le carrefour principal du commerce triangulaire ce qui lui conférera le statut de capitale, pour ensuite le perdre au profit de Brasilia en 1960. La cité merveilleuse célèbre le “Dia do Sebastiao” le 20 janvier en mémoire de Saint Sébastien, un capitaine romain du IIIe siècle, figure de la chrétienté à qui l’on voue un véritable culte dans le monde entier. La fête est donc exclusivement réservée aux “cariocas”.
Le 25 janvier marque la fondation d’un collège Jésuite qui devint le coeur de l’immense Sao Paulo. Premier bâtiment de la ville, le collège sera détruit puis reconstruit pour être ensuite victime de la croissance exponentielle de la mégalopole. Il en reste aujourd’hui un mur et un jour férié donnant lieu à de nombreuses festivités urbaines.
Le calendrier brésilien est une authentique frise chronologique du pays. Il permet d’entrevoir l’immense complexité de son histoire mais également la richesse ethno-culturelle qui s’en dégage. L’année vibre au son des jours fériés, dont le peuple est l’orchestre.