L’histoire du Brésil, de l’époque coloniale à nos jours, est profondément liée à l’église catholique. Cet héritage spirituel est encore très vivace et le Brésil est toujours actuellement le pays ayant le plus de catholiques du monde, avec environ 123 000 000 de fidèles. Soit 14.2% de la totalité des fidèles du Vatican dans le monde. La forte implantation de nombreux ordres catholiques et de leurs missionnaires dans tout le Brésil est en partie responsable de cette ferveur. Ainsi, les Jésuites, qui débarquent dès la seconde moitié du XVIe siècle au Brésil, puis en sont chassés par la couronne au XVIIIe siècle, ont été un des ordres religieux qui ont le plus fortement influencé la société brésilienne naissante.
L’église catholique au Brésil, une présence forte des Jésuites aux Chartreux
Présent dès les prémisses de la colonisation à bord des navires des premiers explorateurs, les missionnaires catholiques sont immédiatement à la fois horrifiés et fascinés par les coutumes païennes des indigènes. La première confrérie catholique brésilienne, l’Irmandade da Santa Casa de Misericórdia de Olinda est créée en 1539 dans l’état de Pernambouc. Les premiers Jésuites de la Compagnie de Jesus arrivèrent avec Tomé de Souza, le gouverneur général, 10 ans plus tard. Suivirent tout au long des siècles de nombreux ordres de Franciscains, Carmélites, Bénédictin, Oratoriens, Capucins et d’autres, venus à la rencontre de ce Nouveau Monde où tout restait à faire.
L’un des derniers ordres de moines catholiques à s’installer au Brésil est arrivé en 1984, dans le monastère Mosteiro Nossa Senhora Medianeira situé à Ivora, un petit village de l’état de Rio Grande do Sul, à l’extrême sud du Brésil. Ses moines sont issus d’un ordre catholique français, ayant sa maison mère dans le département de l’Isère, les Cartusiens. C’est en effet à Saint-Pierre de Chartreuse, au cœur d’une bucolique vallée entourée des montagnes du massif de Chartreuse, que se trouve la Grande Chartreuse. Ayant fait vœux de silence, les Pères et Frères Chartreux ont peu de contact avec le monde extérieur et sont surtout connus en France pour leur Élixir Végétal de la Grande-Chartreuse, élaboré à partir de 130 plantes selon une recette secrète de 1605.
Des raisons variées de venir s’installer au Brésil
Si les Pères Chartreux sont venus s’installer près d’un petit village rural du sud du Brésil pour vivre dans le recueillement et la solitude, d’autres ordres catholiques ont joué des rôles beaucoup plus actifs dans la société brésilienne. C’est notamment le cas des Jésuites, ordre catholique alors tout récemment créé par St Ignace de Loyola lors de son arrivée au Brésil. Ces derniers virent dès leur arrivée au milieu du XVIe siècle le potentiel du Brésil pour devenir une société plus juste et morale que l’Europe qu’ils voyaient alors comme décadente. Ils décidèrent donc de participer activement à la vie sociale, politique, économique et morale de la colonie portugaise naissante.
La disgrâce des Jésuites et de la mission Guarani
Un des ensembles de réductions les plus importants sera celle des Guarani avec ces 30 villages dans la région de Misiones. Là, les Jésuites développèrent une communauté chrétienne indigène bien organisée et prospère qui pour l’époque était un modèle du genre. Elle représentait une possibilité sérieuse d’intégration des indigènes dans la société moderne. À leur apogée, elles occupaient un territoire pratiquement équivalent à celui de la France, avec une population d’indigènes libres et qui s’insérait progressivement dans le modèle social occidental tout en préservant certaines de ses coutumes. Entre 1611 et 1630, les réductions sont peuplées de plus de 140 000 personnes entre le sud du Brésil, le sud-ouest du Paraguay, le nord de l’Argentine et de l’Uruguay.
Mais ce n’était pas du goût de tout le monde, notamment de la royauté portugaise et des propriétaires terriens portugais. Ces derniers voyant leur main d’œuvre bon marché leur échapper, ils entrèrent en conflit avec les Jésuites et assiégèrent les colonies entre 1632 et 1635. En 1639, le Pape Urbain VIII offrit sa protection aux communautés à travers la bulle Commissum Nobis qui condamnent l’esclavagisme des indigènes. Cela permis de stopper l’esclavage des indigènes amérindiens mais initia le commerce des esclaves capturé en Afrique Noire.
Bien organisés et disciplinés, fidèles au pape alors en conflit avec les familles royales portugaises et espagnoles, les Jésuites et leurs ouailles, plus nombreuses que les colons, apparaissent alors comme un danger politique et tombent en disgrâce. À cela s’ajoutent une position sociale de plus en plus importante et un pouvoir grandissant dans la nouvelle colonie, menaçant de devenir un véritable état dans l’état. En 1767, l’expulsion des Jésuites du Brésil sonne le coup de grâce et ces communautés disparaissent en quelques décennies.
L’engagement de l’église au Brésil
À la différence des Pères Chartreux qui vivent depuis plus de 900 ans dans le recueillement et pratiquement en dehors des affaires du lieu où ils s’installent, l’engagement social et politique fort des Jésuites au Brésil leur a posé problème. Il a conduit à leur rejet par les autorités impériales et coloniales qui voyaient dans leurs communautés le péril d’un nouvel ordre, établi hors de leur contrôle.
Mais il a aussi marqué durablement la société civile brésilienne dans sa relation avec l’Église Catholique. C’est une tradition établie aujourd’hui, qui s’est répétée tout au long de l’histoire de la formation du Brésil moderne. L’une des missions cruciales des nombreux ordres apostoliques présents au Brésil est de protéger de leurs oppresseurs les populations persécutés lors des crises sociales. Cela fût par exemple particulièrement le cas au XXe siècle dans le Nordeste avec des figures telles le Padre Cicero, ou encore durant la dictature ou de nombreux prêtres protégèrent les plus démunis et firent entendre leurs protestations, parfois au péril de leurs vies.