Loin, bien loin des clichés touristiques sur la musique, le football ou le carnaval, le Brésil est avant tout un pays de forte puissance économique et industrielle.
Puissance soutenue par de grandes entreprises de portée internationale comme Embraer, Petrobras ou Odebrecht, pour ne citer que les plus célèbres. Célèbres car elles ont permis au pays d’atteindre une croissance exponentielle dans les années d’après-guerre, mais célèbres également – et hélas – de par les sombres affaires politico-financières dans lesquelles certaines se sont récemment engluées. Elles n’en sont pas moins l’architecture du Brésil industriel du XXIe siècle.
Le Brésil : acteur incontournable de la scène économique internationale
L’industrialisation du Brésil a commencé au milieu du XIXe siècle et s’est longtemps cantonnée à la seule exploitation des ressources naturelles : café, canne à sucre, bois, etc. Alors que les pays dits « occidentaux » ont très tôt opté pour la voie de l’industrialisation lourde, l’ancienne colonie portugaise, plus vaste pays du continent sud-américain, semble cent ans plus tard figée dans une économie désuète. Ce n’est que durant le second conflit mondial que les premières bases de la sidérurgie sont jetées, avec une usine de production dans l’état de Rio de Janeiro. La mèche vient d’être allumée.
La fin de la guerre entraîne un appétit féroce de développement qui pousse le Brésil à tout faire pour rattraper son retard sur les pays industrialisés. En trente années, tous les secteurs d’une économie compétitive s’accroissent à vitesse « grand V », pétrochimie, sidérurgie, aéronautique, bâtiment, automobiles, etc. Grâce à des apports financiers venant des Etats-Unis, de l’Europe ou bien du Japon dans les années soixante-dix, le pays flirte avec un taux de croissance de 7,5%, quand la France atteint péniblement 3,3% !
La presse, la télévision et les médias en général décollent à leur tour et deviennent en quelques années des groupes d’influence et de pression inégalés, générant des rentrées d’argent impressionnantes, au même titre que les sociétés susnommées. Désormais bien ancré dans le XXIe siècle, le pays est devenu le 9e mondial en termes de puissance économique, devant le Canada et la Corée du Sud pour ne citer qu’eux. Son assise est d’autant plus solide qu’à l’inverse de nombre de nations dites « riches », il possède des réserves naturelles immenses dont certaines sont encore inexploitées : le Brésil égale actuellement le leader mondial Koweit en matière de production pétrolière, et sa possession de 18% des ressources mondiales en eau potable en fait un acteur incontournable pour les années à venir. On le voit, l’image réductrice de la samba, de la fête et du « futebol » a du plomb dans l’aile. Mais tout n’est – hélas – pas aussi rose qu’il n’y paraît.
Embraer, Petrobras et Odebrecht, entreprises moteurs du Brésil
En 2015, le Crédit Suisse a accordé au Brésil la troisième place sur un podium peu fréquentable : celui des pays les plus inégalitaires au monde. Ajouté à cela les scandales politico-financiers qui ont fortement impacté certaines des plus grandes entreprises et quelques politiciens parmi les plus en vue du pays, on aura au final une image bien ternie du miracle économique et industriel brésilien. Qui est pourtant indéniable. Et dont les sociétés Embraer, Petrobras et Odebrecht sont les principaux acteurs. A tous les niveaux…
Respectivement aéronautique, pétrolifère et du bâtiment, ces trois gigantesques consortiums ont tiré le pays non seulement vers le haut, mais l’ont aussi dirigé vers la voie de la compétition mondiale, avec des réussites remarquables.
Embraer : fleuron technologique brésilien
Embraer (Empresa Brasileira de Aeronáutica), qui fête cette année ses cinquante ans d’existence, s’est positionnée sur la construction d’avions civils de moyenne capacité. Sa production vise les milieux d’affaires et les riches propriétaires ruraux qui doivent effectuer de longs déplacements à travers leur vaste pays. Les frontières du Brésil ont par ailleurs été abolies depuis longtemps par cette société qui vend ses jets dans le monde entier, Europe, Chine et Etats-Unis compris.
Dans les années soixante-dix et quatre-vingts, Embraer a multiplié les alliances et les collaborations, pour le meilleur, mais aussi le pire parfois. Avec l’Italie en 1981, pour la construction d’un avion à usage militaire d’attaque au sol, l’AMX, le pas hors du domaine civil ayant été allègrement franchi. En 1988, l’entreprise étudia conjointement avec Lockheed Martin Aircraft Argentina SA un projet d’avion militaire binational argentino-brésilien. La crise économique sévissant alors en Amérique du Sud eut raison du coût prohibitif de production de cet appareil et la collaboration entre les deux géants de l’Amérique du sud en resta là.
Embraer subit différents coups de semonces économiques qui la menèrent au bord du dépôt de bilan, puis à la nationalisation, suivie d’une privatisation, et enfin au rachat en 2018 par Boeing. L’entreprise est actuellement un des acteurs majeurs de l’aéronautique mondiale et dispute férocement le leadership mondial au canadien Bombardier, leurs nombreux différents réglés à coup d’incessants procès internationaux en attestent.
Petrobras et Odebrecht : 2 géants de l’industrie brésilienne en plein scandale
On entre là dans le grandiose et le sulfureux tant les deux entités, surtout la première, ont réussi à se positionner dans le wagon de tête du marché mondial, mais aussi sur les scènes glauques des scandales nationaux peu glorieux.
Petróleo Brasileiro S.A appelée communément Petrobras, est une société de recherche, d’exploitation et de commerce pétrolifère et, depuis quelques années, gazière. Pour faire court, c’est la société la plus rentable du Brésil, tous domaines confondus ! Elle figure dans le peloton de tête mondial des entreprises du secteur, devant Total notamment. Elle est en outre la première au monde en matière de forages en eaux profondes, avec à la clé des records de profondeurs atteintes homologués. Fondée en 1953, c’est une entreprise d’état dont le tout nouveau PDG, nommé par le président Jair Bolsonaro en 2019, doit conduire la destinée vers la privatisation de certaines des branches de la société. Car Petrobras fut au cœur d’une des plus monstrueux scandales du pays de ces dernières années.
Lava Jato, le revers de médaille du succès de l’industrie brésilienne
Déclenchée en 2014, l’opération Lava Jato, plus connue sous le nom d’« affaire Petrobras » eut des répercussions inimaginables, même par les plus hardis des scénaristes de cinéma ! Une présidente de la république au tapis, des ministres et des députés inculpés, des hommes d’affaires, un juge de la cour suprême, des militaires incriminés dans le scandale, et, last but not least, un ancien président de la république envoyé en prison pour neuf ans. Le tout pour un trafic de pots de vins estimé à hauteur de 3,5 milliards de dollars monté principalement par Petrobras et l’entreprise de bâtiment Odebrecht (avec l’aide d’autres entreprises privées), pots de vins ayant pour but le financement illégal des plus grands partis politiques du pays, de droite comme de gauche !
Jamais le Brésil n’avait dévoilé une telle machinerie de corruption organisée, et la défiance envers les politiques et businessmen n’en est devenue que plus prégnante dans ce vaste pays où une seule une petite minorité profite des richesses créées par ces grandes entreprises. Le scandale n’impacta pas seulement le Brésil, mais beaucoup de ses voisins, tels le Pérou, l’Argentine, et même le Venezuela des vertueux chavistes, dont les dirigeants se virent accusés d’avoir également profité des largesses venues de ces grandes sociétés.
Il ne viendrait à personne de censé de nier l’incroyable succès des entreprises leaders du Brésil que sont Petrobras, Embraer, Odebrecht, et toutes les autres qui tirent le pays vers le haut. Non plus que de détruire tout ce qu’elles ont construit au fil des décennies. Mais il est évident qu’un grand coup d’assainissement était nécessaire, et que le processus de moralisation dans toutes les strates de la société brésilienne sera long tant les mentalités n’ont pas évolué à ce niveau. Le classement établi par le Crédit Suisse en 2015 est malheureusement toujours actuel.