Le plaisir des motels
Envie de retrouver la fougueuse émotion des débuts ?
De casser la routine d’une vie intime un peu trop monotone ?
De pouvoir s’ébattre sans se soucier de la proximité des enfants ou de la famille ?
De passer un excitant moment avec la personne de son choix ?
Ou bien encore d’avoir un rendez-vous secret avec celui ou celle qui ne doit pas paraître en public ?
Autant de raisons d’aller s’enfermer quelques heures dans l’anonymat du motel de son choix, lieu de tous les plaisirs au Brésil.
Une véritable institution, pourrions-nous dire.
Le poids d’un héritage historique paradoxal
Le Brésil est un pays bizarre : pour nombre d’observateurs étrangers, c’est clairement le pays de la sensualité débridée. Et paradoxalement, c’est le pays où l’on parle le moins de sexe. Du moins, pas ouvertement. C’est un pays où les filles affichent parfois des tenues vestimentaires plus que légères appelant les fantasmes les plus chauds, mais vous ne verrez jamais une fille aux seins nus sur une plage. Même si le morceau de tissu couvrant la zone interdite est minimaliste, il existe bel et bien ! Tout est ici une question d’équilibre acrobatique entre pudibonderie et liberté sexuelle, deux notions héritées des temps ancestraux.
Le Brésil, ce fut au départ la rencontre entre des explorateurs portugais à la foi catholique exacerbée et des Indiens absolument sans tabou. Engoncés dans leurs lourdes armures et dans leur croyance inébranlable, ces navigateurs européens découvrirent des gens qui vivaient nus sans aucune gêne. Quelques années plus tard, les mêmes explorateurs commencèrent à amener au Brésil des cargaisons entières d’esclaves africains aux fortes pulsions sexuelles. Ce mélange aux saveurs particulières qui perdure depuis plus de cinq siècles est une des explications de cette attitude très ambivalente des Brésiliens par rapport à leur vie intime.
Il est délicat d’évoquer le sujet en famille, voire même avec des amis. Le sexe en lui-même est une activité assez difficile à « exercer » sereinement chez soi pour une raison fondamentale : dans les milieux aisés comme dans les classes basses, la société familiale brésilienne implique la plupart du temps que les gens vivent avec leur famille proche. A commencer naturellement par les enfants, puis par les parents qu’on abrite chez soi, sans parler d’éventuels cousins ou cousines qui ne trouvent pas de logement. Il va de soi que dans la catégorie la plus défavorisée, cette promiscuité est bien plus exacerbée que dans les belles villas des grandes métropoles. Mais partout, il y a gêne sur la question. Et comme on le sait, là où il y a gêne… il n’y a pas de plaisir ! Et c’est à ce niveau de l’histoire que la notion de motel apparaît au Brésil.
Le repos du guerrier
Elle apparut au milieu des années soixante, sous la dictature militaire exactement. Les gouvernants galonnés d’alors, très confis dans leur pudibonderie catholique, voyaient bien évidemment d’un très mauvais œil les escapades amoureuses de leurs concitoyens et concitoyennes dans certains établissements hôteliers. Ils n’hésitèrent alors pas et interdirent tout bonnement les « locations d’un établissement hôtelier pour une période courte ». Jamais à court d’idées, les Brésiliens contre-attaquèrent en se basant sur les motels américains dont la vocation initiale était d’accueillir pour quelques heures de repos les infatigables voyageurs qui traversaient les immenses paysages au volant de leurs grosses voitures ou camions. Ici, plus question de quelques heures de repos, mais plutôt de quelques heures d’intimité, en toute discrétion, ce qui est très important pour la suite des événements. Ainsi naquirent les fameux motels brésiliens, plus tard rebaptisés « love hotel » par les étrangers de passage.
Qu’ils soient riches ou pauvres, à peu près tous les Brésiliens ont eu leur expérience au motel. Pour toutes les raisons évoquées plus haut. On va tout de suite éloigner une confusion toujours tentante : motel ne veut pas dire bordel. On trouve à peu près tout ce qu’on peut trouver dans les motels, sauf des lits « garnis ». Pour cela, la prostitution existe bel et bien eu Brésil, et elle est d’ailleurs légale. Là encore un paradoxe incroyable dans un pays où l’avortement est interdit.
Le motel est l’endroit idéal de délassement et de plaisir où l’homme emmène sa compagne (l’inverse est très peu vécu) pour redécouvrir des sensations perdues, où fuir la promiscuité dont nous faisions état plus avant. Il n’y a aucun tabou là-dessus, tout le monde a recours aux services de ces établissements qui ne sont malgré tout pas reconnus par le ministère du tourisme brésilien et qui se servent allègrement de la fenêtre que proposent Internet et les réseaux sociaux pour vanter les charmes de leurs chambres, comme le ferait n’importe quel hôtel. Tout le monde, ou presque, le fait, mais personne, ou presque, n’en parle.
Les motels brésiliens: l’œcuménisme du septième ciel
Le principe du motel est : hygiène et anonymat. A l’exception peut-être des endroits sordides de toute première catégorie, les chambres sont propres et le secret est bien gardé. Les motels vont du triste combi VW reconditionné pour les moins chers (l’équivalent de 1 euro) aux luxueuses suites suréquipées qui peuvent atteindre les 1000 euros ! La moyenne des établissements fréquentés se situe plutôt dans une fourchette allant d’une trentaine à une soixantaine d’euros pour quelques heures de septième ciel, le periodo. En sachant que ces prix peuvent varier en fonction de l’heure du jour, ou de la nuit.
L’anonymat est garanti par une hôtesse dont le conducteur ne voit souvent que les mains (on vient en voiture au motel, comme aux Etats-Unis), puis par une descente vers un garage où se trouvent des boxes chacun reliés à une chambre. Si une voiture est là, c’est que la chambre est prise ! Celle-ci accueille le couple dans une atmosphère entièrement dédiée aux chaudes activités camérales : éclairages tamisés, photos ou peintures suggestives accrochées aux murs, préservatifs bien en vue, sex toys, télévision avec programmes adéquats (canal erotico) et, pour les plus huppées, piscine avec jacuzzi, baignoire pour deux, cheminée, et service de boissons, voire de nourriture. Mais il est rare que les gens y passent plus de quelques heures.
Les couples réguliers fréquentent donc les motels. On va y fêter un anniversaire de mariage par exemple, où on vient s’encanailler loin des enfants ou de la famille, toujours là quand il ne faut pas. Le Jour des amoureux, (O Dia dos Namorados, la Saint-Valentin brésilienne fêtée le 14 juin) constitue naturellement un pic de fréquentation des love hotels. Sans réservation préalable, il faut être très patient ce jour-là et faire la queue dans les voitures aux abords des établissements ! Mais les couples irréguliers fournissent également une grosse clientèle aux motels. Surtout le Jour de la secrétaire (célébré le 30 septembre), on se demande bien pourquoi !… En ces jours de grande affluence, le fameux periodo est souvent limité à trois heures.
Les jeunes ayant quelque peu les moyens s’offrent eux aussi les services de ces chambres ouatées et isolées pour fuir le regard de papa et maman qui ne veulent surtout pas voir que leur fille adorée de 17 ou 18 ans qui s’habille de façon très suggestive a un gentil petit ami qui vient la voir en toute honnêteté certains après-midis et qui, parfois, l’emmène à l’extérieur… pour la ramener quelques heures plus tard comme si de rien n’était dans le cocon familial.
Le motel au Brésil: abri de l’amour discret
Les motels évoluent avec l’actualité et la société. Si la majorité d’entre eux continue à s’en tenir à sa vocation première, certains ont changé leur fusil d’épaule, notamment à l’occasion des grands événements internationaux comme les Jeux Olympiques en 2016 ou la Coupe du monde de football en 2014.
Devant la demande inflationniste de lits, ces motels se sont transformés en hôtels, devenant de fait reconnus par les autorités touristiques et pouvant bénéficier de la publicité qui va avec. Mais la plupart des établissements considèrent que leur ADN se situe dans l’offre d’un moment coquin à tous les gens qui ne peuvent en profiter sereinement chez eux, et ils ne sauraient déroger à cette règle.
Les Brésiliennes et les Brésiliens ayant toujours le besoin de s’isoler des regards pour partager leur intimité, l’avenir des motels est donc relativement assuré.