A l’image du pays, la littérature du Brésil s’est construite à travers les enseignements apportés du vieux monde au XIVe siècle par les explorateurs et colons portugais.
Elle fut d’abord une rémanence des écrits d’auteurs portugais débarqués sur le nouveau continent, avant de devenir au XIXe siècle l’expression propre d’une nouvelle génération d’écrivains tentant de construire les bases d’une identité culturelle proprement brésilienne.
Une littérature née dès la colonisation du Brésil
On peut légitimement penser que la littérature brésilienne est à prendre en compte à partir de l’indépendance du pays en 1822, les œuvres antérieures n’étant « que » des écrits nés d’auteurs d’origine portugaise venus au Brésil avec les vagues successives de colonisation du nouveau monde du XIVe au XVIIe siècle.
Mais on peut également considérer ce courant d’expression dans sa globalité en se basant sur le fait – incontournable – que tout ce qui se passait au Brésil dans les premières décennies de son existence le devait au récent passé lusitanien.
Si on suit cet angle de vue, on admettra donc la naissance de la littérature brésilienne avec l’arrivée des colons, les premiers auteurs étant souvent des missionnaires ou des jésuites.
Les principaux courants de la littérature brésilienne
Les mouvements premiers, chroniqueurs de la vie brésilienne coloniale
Les premiers écrits venant des jésuites sont affiliés au mouvement dit colonialiste. Ils visaient essentiellement à décrire le mode de vie des peuples indigènes, et de le rapporter en Europe à la couronne impériale. Ces pères missionnaires écrivaient principalement en portugais et en latin, également en tupi comme le fit José de Anchieta qui fut écrivain et poète. Ces études avaient pour but principal de convertir les autochtones à la religion catholique.
Le mouvement baroque vint ensuite en réaction avec la rigueur de la réforme protestante. Il privilégiait l’émotion à l’aridité intellectuelle. Poète portugais et grand voyageur, Gregório de Matos Guerra se distingua par une écriture satirique visant souvent la religion et les corruptions de tous ordres au XVIIe siècle. Paradoxalement, un des représentants les plus connus de ce mouvement fut un père jésuite, Antonio Vieira. Outre ses sermons célèbres, il manifesta une modernité intellectuelle rare en étant un des premiers à dénoncer l’esclavage et l’inquisition, et en prenant la défense des juifs persécutés.
Au XVIIIe siècle, apparaît un nouveau courant qui demeure très important dans la construction intellectuelle de l’identité brésilienne : l’arcadie, ou pré-romantisme, amène les auteurs à dépeindre pour la première fois la figure de « l’Indien ». Le « bon sauvage » incarne la nature-mère et, en cela, amène les colons à une certaine conscience nationale. José Basilio da Gama, plus connu sous son nom de plume de Termindo Sipílio, installe la notion de l’indien dans l’espace sud-américain. Le pré-romantisme va amener l’indigénisme, mouvement précurseur du romantisme.
L’émancipation du Brésil par rapport à la couronne portugaise au début du XIXe siècle amène de nouveaux écrivains à se proclamer ouvertement attachés à leur nouveau pays : le romantisme brésilien est en marche, teinté d’un fort sentiment de nationalisme. La notion de brésilien est accolée à l’identité propre de l’Indien, mais passe encore sous silence l’existence des noirs. Les œuvres des poètes Goncalves Dias ou Alvares de Azavedo, des dramaturges Louis Carlos Martins Pena ou José de Alencar tendent à cette volonté de créer une image pérenne des autochtones américains, assimilés – de façon pas toujours réaliste – aux indiens. De Alencar surtout s’attacha au concept même de nationalité brésilienne.
L’essor de la littérature brésilienne au XXe siècle
Fin XIXe émerge un nouveau mouvement, le réalisme. Ses représentants, comme Joaquim Machado de Assis, parlent désormais de la vie réelle et de ses difficultés. Ils commencent aussi à décortiquer les dessous de la politique et deviennent en ce sens plus engagés. Euclides da Cunha définit, lui, la culture brésilienne par son caractère national. Son œuvre délaisse les rivages connus des cités atlantiques pour dépeindre les hommes de l’intérieur, le Sertão et notamment des terres du Nordeste avec l’oeuvre majeure de la littérature brésilienne classique, Grande Sertão: veredas (Hautes Terres). Lima Barreto va beaucoup plus loin en décrivant le monde misérable des petites gens, et en raillant les riches et les dirigeants comme dans le roman Triste Fim de Policarpo Quaresma.
A partir des années vingt, deux mouvements, le pré-modernisme et modernisme, se suivent et s’attachent à décrire les mentalités culturelles du passé pour mieux les dénoncer à travers un langage « libéré » de ses archaïsmes. Manuel Bandeira, Oswald de Andrade ou plus récemment Carlos Drummond de Andrade, poète majeur du Modernisme brésilien en sont les représentants les plus significatifs.
La littérature brésilienne contemporaine
La période contemporaine est le reflet de l’ouverture du Brésil et de sa littérature à toutes les formes d’expression. La littérature brésilienne contemporaine prend totalement en compte la réalité politique et sociale du pays, avec de fortes diatribes contre les pouvoirs en place. Journaliste, chroniqueur et romancier, Graciliano Ramos est, dans la première partie du XXe siècle, l’auteur le plus influent de par ses écrits dénonçant les dictatures du monde, à commencer par celle de son pays, incarnée par Getúlio Vargas qui le fera arrêter et emprisonner.
Un autre incontournable, souvent considéré comme le géant de la littérature d’Amérique Latine avec Borge, João Guimarães Rosa, parle de la dure vie des campagnes brésilienne. Son célèbre ouvrage, Grande Sertão: Veredas (en français: Diadorim), entre roman d’amour , d’aventure et conte philosophique, relate l’épopée de Riobaldo et de ses compagnons à travers le temps et les vastes espaces arides du Brésil.
L’autre grande figure de ce siècle est évidemment Jorge Amado. Son œuvre décrit sans détour la misère qui règne dans les bas-fonds et dénonce la tyrannie des pouvoirs arbitraires. Comme Ramos, Amado a vécut une partie de sa vie en exil forcé durant les dictatures, et ce n’est qu’à partir du retour à la démocratie qu’il put revenir dans son pays, fêté et considéré. Il est l’auteur brésilien le plus adapté à la télévision et au cinéma. Certains de ses livres poignants sont traduit en français comme l’incontournable Capitaines des Sables.
Comme tous les moyens d’expression, la littérature ne peut être coupée de la réalité artistique globale et certains des plus grands poètes brésiliens du XXe siècle se firent connaître du grand public par le truchement d’une forme artistique sœur. C’est naturellement le cas pour Vinicius de Moraes, diplomate et poète mondialement connu – et reconnu – pour sa contribution essentielle à l’essor de la Bossa Nova. Auteur de plus de 400 chansons, il écrivit également de nombreux poèmes qui, même s’ils n’attinrent pas la notoriété de certaines de ses chansons les plus célèbres, contribuent à l’édification d’une littérature onirique de pure essence brésilienne. Moins prolixe mais dans le même courant que son illustre aîné, le compositeur-interprète de MPB Chico Buarque de Holanda a écrit également quelques livres dont certain sont passées à la postérité tel Budapest.
A l’amorce du XXIe siècle, la littérature brésilienne a définitivement établi ses bases et, à l’instar d’autres grands pays culturels, propose de multiples courants et styles : beaucoup d’auteurs adoptent la voie d’un réalisme cru et sans concession – que l’on retrouve dans le cinéma brésilien – visant à décrire la dure vie des favelas (Paulo Lins ou Fernando Bonassi) ou les problèmes dans les familles (Lydia Fagundes Telles ou le dramaturge Nelson Rodrigues). Le roman policier est aussi présent dans le paysage littéraire avec Ruben Fonseca ou Luiz Alfredo Garcia-Roza, et les romans à succès ont également la part belle avec l’incontournable Paulo Coelho, plus grand « vendeur » à l’étranger, mais dont le style « pauvre » et l’inspiration « mystique insaisissable » sont souvent vilipendés par la critique brésilienne.