Peinture et sculpture à l’époque coloniale au Brésil

Importé par les navigateurs portugais accostant sur les rivages de Bahia au XVIe siècle, l’art brésilien qui se développa dans les deux siècles suivants, et que l’on qualifie de baroque, fut essentiellement un art religieux.

Forts d’une mission civilisatrice guidée par l’expression d’un catholicisme exalté, les colonisateurs ne voyaient dans l’image du Christ Rédempteur que la seule et unique voie à emprunter pour témoigner de leur existence dans ces terres nouvelles. Ce n’est qu’à partir du XVIIIe siècle qu’un art brésilien à proprement parlé va se développer pour répondre aux besoins d’exaltation du tout récent empire du Brésil ayant pris son indépendance.

Tableau baroque brésilien représentant la Cène par Mestre Ataide.

Une peinture coloniale tourné vers la religion

 

À l’époque coloniale, l’implication entre l’Église et l’État était une et indivisible et celle-ci était une des clefs du processus de colonisation du Brésil. La crainte divine inspirée par cette sainte dualité sur les explorateurs, puis les indiens colonisés et plus tard les esclaves amenés d’Afrique, ne laissait guère de place à une autre expression que mystique. L’essentiel des activités artistiques tournait donc vers la construction, puis la décoration des édifices religieux.

Il en alla ainsi de la peinture et la sculpture brésiliennes qui se résumaient à une copie des modes artistiques en vogue au Portugal. La littérature et la poésie, de même que les arts dits « vivants » comme la musique ou le théâtre, ne s’éloignèrent pas plus de ce dogme. Il faudrait attendre la toute fin de cette période baroque, c’est-à-dire au soir du XVIIIe siècle, pour commencer à voir apparaître une autre culture, plus profane, qui amènerait un mouvement nouveau et régénérateur propre à l’identité culturelle brésilienne naissante.

Peinture ex-voto baroque au Brésil représentant une personne alitée et Saint Benoit.

Simplicité d’expression de l’art baroque brésilien

 

Les premières œuvres de cette période, qu’elles soient picturales, statuaires ou architecturales, offrent les images véhiculées par la foi chrétienne, à savoir la Genèse et la Création de l’Homme. Plus tard, elles vont lentement évoluer vers un certain syncrétisme avec l’arrivée des esclaves africains, dont les coutumes se mêleront à celles de leurs « confrères ouvriers », les Indiens. Mais le fond demeure : éducation (catholique), rhétorique et figuratif restent le maître mot de toute expression artistique au Brésil.

Les découvreurs portugais commencent, naturellement dirons-nous, par construire des églises en l’honneur du Seigneur qui les a menés sains et saufs vers cette mission sacrée. Ces églises, il faut les décorer, mais de façon pragmatique : les représentations doivent être réalisées dans un style simple – pour être compris de tous, et surtout des indigènes qu’il convient de christianiser – dynamique et narratif.

On trouve notamment beaucoup d’ex-voto, pièces d’offrande commandées par les riches dévots aussi bien que les plus modestes, mais aussi des peintures réalisées à l’huile sur de la toile ou du bois. Les statues sont réalisées la plupart du temps dans du bois, matière autorisant une meilleure reproduction que la terre cuite ou l’argile avec peu de moyens. L’inspiration pour les artistes n’est cependant pas réellement libre. Elle provient en majorité de gravures ou de statues ramenées par les navigateurs du Vieux continent. Ce courant perdurera d’ailleurs longtemps, les riches commanditaires préférant souvent la finesse et l’ostentation des œuvres européennes à la rusticité de celles exécutées par les locaux.

Vue de statue sculptée par Aleijadinho devant le sanctuaire Bom Jesus de Matosinhos au Brésil.

La toute-puissance de l’or dans l’art colonial au Brésil

 

Le XVIIIe siècle va néanmoins ouvrir des horizons nouveaux grâce à l’éclosion d’écoles artistiques comme celles de Salvador, de São Luis do Maranhão, de Rio de Janeiro ou de Pernambuco. Des peintres et sculpteurs commencent à se faire un nom qui restera dans l’Histoire. Félix Pereira Guimarães, Manoel da Silva Amorim, Mestre Valentim ou Bernardo da Silva. Mais celui qui représente au plus haut ce mouvement baroque reste incontestablement l’architecte et sculpteur Aleijadhino qui à activement participé à l’embelissement des villes coloniales du Minas Gerais. Auteur de la remarquable église du Tiers-Ordre de Saint-François à Ouro Preto, il signe son chef-d’œuvre avec les Douze Prophètes du sanctuaire de Bom Jesus de Matosinhos à Congonhas.

Parallèlement à la peinture, le modelage de l’or est largement utilisé dans cet art fortement influencé par la religiosité. Les colons ont conquis ces terres nouvelles dans une volonté expansionniste, mais aussi d’approvisionnement en matières premières, absentes de la vieille Europe : épices, bois précieux et naturellement or. L’emploi massif de ce métal noble dans la décoration ostentatoire des retables et autels des églises témoigne de ce désir profond d’affirmer la puissance infinie de l’empire portugais, notamment chez les Franciscains (les jésuites étant plus austères). On retrouve – entre autres – ce côté somptuaire dans l’église de São Francisco de Salvador, dans la chapelle d’or de Recife ou encore dans la cathédrale de São Luís do Maranhão.

Peinture de la première messe au Brésil par Victor Mereilles.

Néo-classicisme académique et romantisme révolutionnaire au Brésil

 

Le néo-classicisme, ou art académique, est un premier pas timide vers l’ouverture aux autres formes d’art que celle édictée durant la longue époque du baroque. Il doit principalement à la venue en 1816 d’une mission artistique française qui va coïncider avec la création de plusieurs fondations, dont l’Académie impériale des beaux-arts de Rio de Janeiro où seront formé des générations d’artistes et enseignants.

L’indépendance du Brésil en 1822 offre l’impulsion rêvée par les nouvelles instances dirigeantes pour glorifier le nouvel état à travers un art idéaliste et exalté. Néanmoins, ce courant nouveau est vite ressenti par beaucoup comme un carcan oppressant, et il doit céder sa place dès la deuxième moitié du XIXe siècle à un romantisme plus fantastique, plus échevelé, inspiré en cela par ce qui se fait en France. La peinture et la sculpture ne sont pas les seules à être fortement imprégnées de ce souffle nouveau : la musique et la littérature absorbent également ce courant novateur.

Au nationalisme déjà exacerbé dans le mouvement néo-classique viennent s’ajouter deux notions là-encore importées de la vieille Europe en ébullition intellectuelle : l’individualisme et surtout la culpabilité, incarnée au Brésil par l’indianisme.

Les artistes romantiques sont les premiers à ne plus considérer les indiens colonisés comme des « barbares de catégorie inférieure ». C’est aussi un moyen pour eux de se démarquer fondamentalement d’un néo-classicisme poussiéreux. Aux peintres brésiliens représentatifs de ce mouvement comme Manoel de Araújo, Victor Meirelles, Pedro Américo ou Rodolfo Amoedo, se joignent toute une génération de jeunes explorateurs artistes venus de l’ancien monde et fascinés par la beauté de cette « terra nova ».

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