La méconnue musique classique du Brésil

Il y eut une vie musicale au Brésil avant la samba, la  bossa nova ou le forro.

La musique dite « classique » puise ses racines dans les toutes premières années de la colonisation. D’abord soumise à la férule des ecclésiastiques, elle se libéra ensuite de ce carcan et des influences européennes pour acquérir une identité totale, ainsi qu’une reconnaissance mondiale.

Cantiques et chant grégorien

 

La mission prioritaire que s’étaient fixée les pères jésuites posant le pied sur le sol de ce qui deviendrait le Brésil était d’évangéliser les tribus indiennes rencontrées, et ce par tous les moyens. La musique en était un d’importance, car les prêtres avaient noté que les Indiens chantaient dans leurs villages. Il « suffisait » donc de leur fournir de nouveaux chants porteurs de la parole divine et de les adapter dans leur langue, le tupi. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, la musique classique sera essentiellement d’obédience religieuse.

Les premières partitions furent celles du chant grégorien, chanté a cappella et à l’unisson, donc simple d’enseignement. Petit à petit, les autochtones se virent apprendre l’utilisation d’instruments comme la flûte et la viole. Parallèlement, les esclaves amenés d’Afrique firent intervenir leurs percussions, créant un mélange syncrétique qui déboucherait plus tard sur les mélopées populaires telles les modinhas au XIXe siècle, ces chansons d’amour aussi prisées dans les quartiers pauvres que dans les riches salons.

La Cantata Acadêmica, une des rares partitions parvenues jusqu’à nous, fut la toute première écrite au Brésil, en 1759. Œuvre d’un auteur anonyme, elle est parfois attribuée à Caetano de Melo de Jesus, maître de chapelle à la cathédrale de Salvador, mais sans certitude aucune. Autre grand auteur baroque, le mulâtre Luis Alvarez Pinto qui se distingua à la fin du XVIIIe par des pièces profanes aussi bien que sacrées, comme un Te Deum Laudamus et un Salve Regina.

Parallèlement, la musique profane trouva une place, notamment au travers du lyrique. À Bahia, Pernambuco, Rio ou São Paulo furent montés des opéras, principalement empruntés au répertoire italien. Pas de création originale, on le voit ; il fallut attendre le XIXe siècle pour trouver la trace d’une œuvre brésilienne.

Les pionniers du classique brésilien : Gomes et Itiberê

 

Le début de ce XIXe siècle marqua un vif intérêt pour la musique dite « savante », qui va briser les chaînes la reliant à la religion. En 1807, le roi Jean VI du Portugal, également empereur titulaire du Brésil et accessoirement grand amateur de musique, s’était réfugié à Rio de Janeiro pour fuir les troupes napoléoniennes. Il fit venir le compositeur Marcos Portugal qu’il bombarda « compositeur officiel de la cour » et à qui il fit « cadeau » d’un opéra inauguré en 1813. Portugal y fit jouer plusieurs de ses œuvres, et est en cela considéré comme le premier grand auteur de musique classique brésilienne, même s’il était de nationalité portugaise.

Comme dans toutes les disciplines artistiques durant cette première partie du XIXe siècle, le romantisme montra la voie à la musique. Mais celle-ci restait extrêmement influencée par l’italianisme alors en vogue dans le pays. Ce n’est que dans la deuxième moitié du siècle que la musique brésilienne classique acquit son identité propre et ses lettres de noblesse.

Antônio Carlos Gomes est certainement l’un des plus grands compositeurs brésiliens de cette période. Ses œuvres étaient certes placées sous le signe de l’italianisme, notamment son opéra Il Guarani, tiré du très célèbre roman de José de Alencar, mais on trouve en elles des traces claires de la musicalité typiquement brésilienne, représentée à l’époque par les modinhas. Basílio Itiberê fut, lui, le premier compositeur à avoir introduit des thèmes populaires dans la musique classique. Sa composition la plus connue, A Sertaneja, fut jouée par Frantz Liszt.

La musique classique moderne au Brésil

 

C’est avec le mouvement moderniste dès le début du XXe siècle que la musique classique va acquérir le statut de respectabilité et de reconnaissance mondiale. Deux écoles vont se créer, L’École Musicale Nationaliste et le Groupe Musique Vivante. Comme dans les autres formes d’art, la musique moderne va chercher à couper avec l’académisme du romantisme.

Le mouvement nationaliste tendait à affirmer l’identité brésilienne comme but suprême. Son compositeur le plus représentatif, et le plus célèbre au niveau mondial, fut Heitor Villa Lobos. Son œuvre reste impressionnante : 12 symphonies, 18 concertos, des ballets, de la musique de chambre, même de la musique de films, un catalogue avoisinant les 1300 pièces musicales ! L’importance de cet auteur est liée à cette identité brésilienne qu’il a donné à ses partitions, tout en restant influencé par l’Europe, et notamment Jean-Sébastien Bach. L’emploi de la guitare fut déterminant dans cette particularité musicale, mais ses Suites pour instruments et voix, les fameuses Bachianas brasileiras, sont à classer parmi les plus belles pièces de ce compositeur prolixe.

On pourra également citer comme musiciens se proclamant du nationalisme des gens comme Francisco Mignone, Radamés Gnattali, Camargo Guarnieri, ou José de Lima Siqueira qui fut le fondateur de l’Orchestre Symphonique Brésilien et le premier président de l’Ordre des Musiciens du Brésil.

C’est dans les années trente qu’apparut le Groupe Musique Vivante. A l’inverse de leurs prédécesseurs, ces compositeurs revendiquaient une universalité totale et considéraient le nationalisme comme un carcan. Ils intégrèrent également les nouveaux courants venus d’Europe comme le dodécaphonisme, l’avant-garde, le sérialisme et la musique aléatoire, autant de chemins menant à la musique expérimentale prônée par Boulez, Stockhausen, Xenakis, Glass ou Reich.

Récemment, Marlos Nobre a ouvert de nouvelles voies dans la musique classique brésilienne, en utilisant des processus créatifs d’avant-garde. Sa musique absolue a un grand impact, dû à la richesse du son et à l’utilisation remarquable des percussions. Les compositeurs de musique électronique Jorge Antunes,  José Maria Neves ou Reginaldo de Carvalho ont également produit de la musique expérimentale que l’on peut classer dans la mouvance électroacoustique.

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