Venus du nord , des hommes ont occupé la partie sud du continent américain quelques dizaines de milliers d’années avant notre ère et leur art avec eux.
Ils se sont principalement répartis sur l’isthme central du continent et sur les côtes nord de l’Amérique du Sud. Cependant, certains ont poursuivi leur longue marche plus loin, vers la forêt amazonienne et le centre d’un immense espace qui prendrait bien plus tard le nom de Brésil. Avec eux ces premiers hommes d’Amérique du sud, ont voyagé des pratiques artistiques qui se sont modifiées et ont évolué, pour donner naissance aux premiers arts du Brésil.
L’art indigène précolombien ou post colonial au Brésil est profondément lié à la cosmologie des cultures. Si l’esthétique est un point important, l’art a surtout des fonctions de reconnaissance sociale et est indissociable des pratiques religieuses qui entourent les grandes étapes de la vie des individus et des groupes.
L’art précolombien au Brésil
On définit comme précolombien toute forme d’art ne devant rien à celui importé par les explorateurs espagnols du XVe siècle, emmenés par Christophe Colomb en 1492, et par extension par les navigateurs portugais, avec à leur tête Pedro Álvares Cabral qui jeta l’ancre le 22 avril 1500 au large d’une côte inconnue à l’est de ce continent nouveau. Ces hommes entrèrent immédiatement en contact avec des tribus indiennes, Tupi et Gê pour la plupart. A l’inverse des civilisations Aztèques, Incas ou Mayas d’Amérique centrale qui avaient bâti des empires très structurés aux fortes traditions artistiques, au moment de la découverte des Amériques par Colomb, les Tupis vivaient de façon tribale et possédaient une culture différente que l’on qualifierait plus tard d’« indigène ».
Des fouilles réparties sur plusieurs dizaines d’années récentes l’ont prouvé : contrairement à ce que les premiers chercheurs avaient cru, les migrants venus d’Amérique du Nord ne se sont pas tous arrêtés aux Andes. La présence humaine sur ce qui allait devenir le Brésil remonte à quelques 25000 ans avant notre ère, au minimum. Certains paléontologues affirmant même qu’on peut établir certaines datations à 50, voire 60000 ans !
Mais les conditions climatiques tropicales ont eu raison de la majeure partie des vestiges archéologiques de cette époque. Seuls certains matériaux non organiques ont résisté aux outrages du temps. En dehors des restes de feu, des pierres taillées et de quelques tessons de céramiques, ce sont justement essentiellement des œuvres d’art indigènes qui ont survécu, essentiellement sous la forme de gravure sur roche, de poterie funéraires et autres peintures rupestres. Elles sont aujourd’hui les ultimes témoins des pratiques artistiques des peuples préhistoriques indigènes du Brésil.
L’art rupestre de la Serra da Capivara au Nordeste
De nombreux sites, principalement répartis sur le Centre, le Nord-Est et l’Amazonie, permettent au voyageur féru de civilisations anciennes de découvrir les vestiges précolombiens laissés par les Paléo-Américains. En tout premier lieu, ceux du Parc National de la Serra da Capivara, situé dans l’État du Piauí au nord-est du pays.
Cité au patrimoine mondial de l’UNESCO en 1991, cet endroit abrite les plus anciennes traces artistiques du Brésil et se classe parmi les plus grands trésors archéologiques du monde : 30000 peintures, gravures et inscriptions datant de 6000 à 25000 BP (before présent= avant aujourd’hui) sont réparties sur des falaises de plus de cent mètres de haut, ou sur les parois de cavernes et autres abris sous roche typiques des lieux.
Ces images représentent principalement des scènes de la vie quotidienne, chasse, danses, rituels ou animaux. Différentes des peintures rupestres européennes, elle montre de véritables histoires de chasse, de rituel de guerre et forment de véritables « bandes-dessinées » de la vie de l’époque préhistorique au Brésil.
Outre ces témoignages, des restes de céramiques, d’outils ou sculptures ont été mis à jour sur le site de Pedra Furada, donnant de précieuses indications sur les moyens d’existence de ces populations originelles. Des galets en silex taillés avec un côté tranchant dénotent la faculté des hommes de cette époque à façonner les instruments qui leur permettaient de s’adapter à leur milieu. Des restes de foyers et de pierres taillées suggèrent même une datation à – 65 000 ans, ce qui remet en question toute l’histoire de la population des Amériques !
Non loin de là, à São Raimundo Nonato, le Musée de l’Homme Américain (Fondation Museu do Homem Americano, issu de la coopération scientifique entre la France et le Brésil), présente de superbes collections paléontologiques, archéologiques, botaniques et zoologiques. L’environnement même du parc avec ses immenses falaises rouges sur lesquelles s’est développé l’art rupestre primitif constitue à lui seul un motif d’excursion.
La grotte de Pedra Pintada en Amazonie
Les vestiges mis à jour dans cette caverne, située dans l’état du Pará au sud du bassin amazonien, permirent aux chercheurs de dater précisément l’habitat découvert : aux environs de 11200 avant notre ère, ce qui confirmait que des hommes descendirent des Andes pour venir s’établir dans cette région plus hospitalière du fleuve Amazone. La grotte de Pedra Pintada fait ainsi partie de la seconde phase des premiers peuplements du Brésil, par des populations sibériennes ayant profité du gel du détroit de Béring lors de la dernière grande glaciation.
Les Paléo-Américains ont élu domicile dans cet endroit sur une période estimée à 1200 ans, et ont laissé des outils en pierre, des pointes de lance, témoignant de leur activité de chasse. Des peintures représentant des êtres humains, des formes géométriques ou des mains ont également été retrouvées sur les parois. Cet art primitif est avant tout l’expression de la vie courante et, en ce sens, s’inscrit totalement dans la démarche d’un artiste qui est de témoigner de l’existence et du monde autour de lui. Une préoccupation très américaine de l’art préhistorique.
La Vallée du Rio Peruaçu
Au nord de l’Etat du Minais Gerais coule le fleuve São Francisco qui délimite la séparation entre le Nord-Est et le Brésil central. Ce cours et ses affluents ont creusé au fil des millénaires de nombreuses cavernes, rassemblées aujourd’hui en un parc national.
Ces grottes abritent des milliers de figures et inscriptions qui sont parmi les plus belles que l’on peut observer dans ces sites préhistoriques. L’art rupestre est ici très détaillé, montrant par exemple les hommes grimpant dans des palmiers, ou cultivant les plantes comme le manioc ou le maïs. La vallée de Peruaçu est un site naturel de toute beauté qui a été transformé en parc national et mérite à lui seul le voyage.
En règle générale, l’art rupestre est assez répandu dans le nord-est et le centre du Brésil. Le nombre de cavernes, grottes ou abris est suffisant pour avoir permis aux hommes d’exprimer durant des millénaires leur sensibilité et leur vision des événements sur les murs calcaires ou quartzites qui les protégeaient. À cela s’ajoute un climat semi-aride depuis plusieurs milliers d’années ayant préservé ces trésors archéologiques jusqu’à aujourd’hui.
L’art indigène au Brésil
Il est postérieur à l’art précolombien. On estime qu’il débute vers 5000 avant J.C. mais il est faux d’affirmer qu’il cesse au XVIe siècle avec l’arrivée des colons et de leur civilisation : parallèlement à l’évolution de l’art « officiel » venu d’Europe, et de toutes ses déclinaisons au fil des siècles, l’art indigène a survécu au sein des tribus indiennes et existe bien évidemment encore de nos jours.
On recense environ trois cents groupes ethniques indiens au Brésil. Chacun a ses propres codes, traduits par des expressions artistiques différentes. Mais au travers des céramiques, des masques, des peintures corporelles, des plumes, tous se rejoignent sur la perpétuation d’une tradition commune : l’art indigène.
La poterie est présente dans nombre de tribus, bien que certaines comme les Xavantes l’aient de tout temps ignorée. Elle témoigne d’une précision d’autant plus impressionnante que les Indiens ne connaissent pas le tour de potier ! Les plus anciennes découvertes, les céramiques de l’Île de Marajo, sont connues internationalement pour leur finesse.
Les masques, généralement taillés dans des écorces d’arbre ou confectionné en bois, sont très importants durant les célébrations et danses a caractère religieux. Ils sont censés représenter des esprits maléfiques ennemis que la tribu doit amadouer. Mais ils peuvent tout aussi représenter des héros qui maintiennent l’ordre.
Lorsqu’ils débarquèrent sur les côtes du nouveau continent, les explorateurs portugais furent frappés par la grande beauté des peintures corporelles dont les Indiens se paraient. Préparées à base de fruits et de plantes, elles sont très souvent exécutées par les femmes et servent à situer chaque individu dans le rang social, ou le rôle, qu’il occupe dans la tribu.
Les plumes sont collées sur les masques ou sur le corps et, comme les peintures, révèle la position de l’individu dans le groupe. Elles servent à la confection de bracelets, colliers, et surtout coiffes. Si les peintures ont un usage quotidien dans certaines tribus, les plumes sont plutôt utilisées pour les cérémonies et les rituels.
Avec toute la diversité des pratiques que l’on peut trouver dans la grande variétés des cultures indigènes encore présentes aujourd’hui au Brésil, on ne peut cependant faire de généralité. Les arts indigènes au Brésil continuent d’évoluer, comme chacune des cultures dans lesquelles ils se manifestent.
L’art indigène existe donc toujours et encore, mais il est clairement menacé d’extinction, autant que ceux qui le pratiquent sont menacés dans leurs terres et leur existence propre. La croisade récente du chef Raoni pour alerter le monde sur le sort des Indiens du Brésil en est le pragmatique témoignage.